relation patient-thérapeute et effet curabo
Le bienfait d’une bonne relation patient-thérapeute ; et si nous étions des spécialistes de la duperie efficace ?
Paul Vaucher, Osteopathe FSO-SVO, LSHTM (MSc Clinical Trials student), Chargé de recherche au département de médecine communautaire de l’Université de Lausanne
Ce mois [avril 2008], Kaptchuk et al ont publié dans le British Medical Journal une étude réalisée sur 262 patients souffrants de syndrome du colon irritable.
Ces patients étaient randomisés dans trois groupes afin d’évaluer l’effet cumulatif de composantes placebos. Le premier groupe était mis sur une liste d’attente, le deuxième recevait un traitement placebo d’acuponcture et le troisième un traitement placebo d’acuponcture et des composantes d’amélioration de la relation patient-thérapeute. Pour ce dernier groupe, une visite initiale de 45 minutes était planifiée dans laquelle le médecin se préoccupait des symptômes vécus par le patient, comment ces derniers influençaient le mode de vie et les relations avec les autres, et comment le patient comprenait et interprétait ses symptômes. Pour ce groupe, les praticiens se devaient d’être chaleureux et amicaux, devaient écouter activement le patient, recourir à l’empathie, utiliser 20 secondes de silence pendant l’examen ou le traitement et communiquer de la confiance et des attentes positives. En utilisant un score d’amélioration globale, à trois semaines, ils ont observé une amélioration de 3% dans le groupe sans intervention, de 20% dans le groupe recevant uniquement le rituel thérapeutique placebo et de 37% dans le groupe recevant à la fois le même rituel thérapeutique et une relation patient-thérapeute améliorée. Cette étude montre à quel point la composante relationnelle est importante dans l’effet d’une intervention « placebo ». Elle montre aussi qu’on peut facilement améliorer nettement la condition de nos patients sans recourir à un traitement actif.
Cette étude est également de première importance pour comprendre une composante importante du bénéfice d’une intervention ostéopathique. La majorité des paramètres relationnels mise sur pied dans cette étude est déjà utilisée par les ostéopathes aujourd’hui. Nous n’accordons cependant trop souvent peu d’importance à ces phénomènes dans notre relation thérapeutique et dans nos explications pour justifier notre approche. Il est à mon sens fondamental de les enseigner dans les cursus académiques et de s’assurer que les praticiens sortant les intègrent à leur pratique. Finalement, des études sont nécessaires pour distinguer ces phénomènes de ceux que l’on croit exister dans le domaine crânien et viscéral. Au vue des résultats de cette étude, il n’est en effet pas exclus que notre succès vienne uniquement du renforcement de l’effet placebo d’un rituel thérapeutique par la qualité de la relation patient-thérapeute. Ceci revient à dire que le crânien et le viscéral tiendrait toute leur importance dans la qualité du contact avec le patient (exemples : impression qu’on le comprends dans ses douleurs par le toucher, renforcement de nouvelles sensations, nouvelle perception de son propre corps, etc.) et non pas des théories qu’on défend actuellement. Ceci risque de chambouler notre manière de voir et d’enseigner ces matières au profit de nos patients !
Améliorer la compréhension de ces phénomènes nous permettrait alors de réellement défendre notre profession. En reconnaissant l’importance du « rituel thérapeutique placebo » et en le communicant à nos confrères et à nos patients, nous pourrions alors supprimer les soupçons de « duperie » de notre métier. « Nous utilisons des techniques qui vous permettent de mieux vous connaître, de mieux vous comprendre et ainsi de vous guérir vous-même avec succès en reprenant confiance dans votre corps ! »
1. Kaptchuk TJ, Kelley JM, Conboy LA, Davis RB, Kerr CE, Jacobson EE, et al. Components of placebo effect: randomised controlled trial in patients with irritable bowel syndrome. Bmj 2008.
2. Paterson C, Dieppe P. Characteristic and incidental (placebo) effects in complex interventions such as acupuncture. Bmj 2005;330(7501):1202-5.
3. Williams NH. Optimising the psychological benefits of osteopathy. International Journal of Osteopathic Medicine 2007;Vol. 10(2):36-41.
4. Vincent C, Furnham A, Willsmore M. The perceived efficacy of complementary and orthodox medicine in complementary and general practice patients. Health Educ Res 1995;10(4):395-405.
5. Underwood MR, Harding G, Klaber Moffett J. Patient perceptions of physical therapy within a trial for back pain treatments (UK BEAM) [ISRCTN32683578]. Rheumatology (Oxford) 2006;45(6):751-6.
6. Westmoreland JL, Williams NH, Wilkinson C, Wood F, Westmoreland A. Should your GP be an osteopath? Patients’ views of an osteopathy clinic based in primary care. Complement Ther Med 2007;15(2):121-7.
7. Lee-Treweek G. I’m not ill, it’s just this back: Osteopathic Treatment, Responsability and Back Problems. Health 2001;vol. 5(No. 1):31-49.
J’en pleure de contentement tant il m’est toujours paru évident que la première qualité d’un kiné est la profondeur du lien thérapeutique qu’il est capable de nouer avec son patient, et du temps qu’il est prêt à consacrer à cette relation… mais il m’apparaît tout aussi évident (et à la différence de l’ostéopathie) que notre action ne reposant sur aucune manoeuvre “magique” ou explication alambiquée nous oblige à procéder à un processus, très exclusif, très spécifique au masseur-kinésithérapeute, que je nomme, pour mon propre usage, “éducation thérapeutique responsabilisante” qui consiste à impliquer le patient dans son traitement en lui livrant, à son niveau, les éléments de compréhension nécessaires à son autonomisation, un savoir faire “avec la maladie”:
- le patient du kiné, contrairement à celui de l’ostéo, n’est pas un objet mais un sujet qui (dans l’idéal) comprend tout aussi bien que son thérapeute les tenants et aboutissants de sa pathologie et les moyens de la circonvenir, d’en limiter les effets funestes, ou bien de s’en accommoder…
- Faire quand il faut faire, éduquer quand il est nécessaire de comprendre, guider plutôt qu’accompagner… la masso-kinésithérapie est une pratique complexe et volontariste…
- l’EBP ne peut être qu’une indication (certe utile) de plus dans un processus qui la dépasse… je suis cependant en mesure d’imaginer cette EBP parfaite, cette prise en charge globale mais hautement individuelle, une EBP fondée sur un couple patient-thérapeute en “particulier”… dans quelques decennies peut-être!
Les curieux liront l’étude complète mais en anglais:
Components of placebo effect: randomised controlled trial in patients with irritable bowel syndrome, ainsi que les commentaires qui méritent le détour.
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